Lettre ouverte à Mme George Pau-Langevin, députée de la 15ème circonscription de Paris.

Madame la députée,

Vous connaissez certainement le dossier dit du « Carrefour du Rectorat », qui prévoit l’installation d’un supermarché Carrefour Market de 1.950m2, dans les anciens locaux du rectorat de Paris d’une superficie totale de 20 000 m2, au 94 avenue Gambetta. Ce projet est contesté par une partie des élus du conseil d’arrondissement ainsi que par des habitants, commerçants et usagers des quartiers nord du 20ème réunis au sein de l’association Carton Rouge. La pétition à ce sujet a ainsi recueilli plus de 3 000 signatures et M. Christian Le Lann, président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Paris, s’est publiquement indigné de cette décision1.

Sur le fond, l’implantation d’une nouvelle surface commerciale dans une zone déjà très dense en petits commerces est peu cohérente avec la politique revendiquée par la ville de Paris en faveur du commerce indépendant de proximité. De fait, les commerces locaux favorisant les circuits courts risquent fort de souffrir du renforcement de la concurrence. Rappelons que, dans le même temps, le 20eme est cruellement sous-doté en équipements socio-culturels…

Suite à la saisine des élus écologistes et communistes/front de Gauche, le Conseil de Paris du 26 juin 2016 a réaffirmé sa volonté de lutter contre l’implantation de très grandes surfaces alimentaires et a souhaité que «les parties prenantes, dont les élus concernés, soient réunies afin de travailler à faire évoluer le projet de grande surface alimentaire programmé au 94 av. Gambetta…»

Sur la forme, le projet pâtit, d’une part, d’une absence totale de concertation, la maire du 20ème ayant signé la convention avec le propriétaire des locaux, CVI Gambetta, et Carrefour le 18 décembre 2015 sans impliquer au préalable ni les habitants ni les élus de l’arrondissement. Il aura fallu attendre le conseil d’arrondissement du 20 juin 2016 pour que le sujet soit porté à l’ordre du jour, grâce à un vœu du groupe écologiste.

D’autre part, la nature du propriétaire, CarVal Investors (CVI) Gambetta, fonds d’investissement spécialisé dans la location de terrains et autres biens immobiliers, pose question. La maison mère de CVI n’est en effet autre que Cargill, industriel de l’agroalimentaire connu pour ses activités spéculatives et considéré comme un acteur majeur de la déforestation de l’Amazonie.

Si la Mairie se prévaut aujourd’hui du caractère privé de la transaction pour justifier son immobilisme, l’absence de communication lors de la décision de non-préemption du bâtiment ainsi que lors de la consultation de la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) ne peut que susciter la perplexité, si ce n’est l’indignation.

Concernée au premier chef, de par votre implication personnelle dans la vie de l’arrondissement et vos responsabilités actuelles (et peut-être futures), nous souhaiterions que vous fassiez connaitre votre position sur cette problématique ainsi que, le cas échant, vos propositions. Nous espérons que vous saurez favoriser la mise en place d’un projet repensé, préservant l’équilibre commercial et urbain de notre arrondissement.